Si la ville de Saint-Dié-des-Vosges est connue pour sa cathédrale, toute de grès bâtie, ou pour sa tour de la Liberté, incontesatblement elle l'est également pour son trail, le trail des roches ! A moins d'un mois du rendez-vous clé de ce premier semestre 2017, à savoir la Maxi Race du lac d'Annecy, retour en quelques lignes sur les 55 kilomètres de cette piquante escapade !
Après un petit détour de 3 jours par la vallée des lacs la semaine dernière, retour en terres vosgiennes ce week-end pour participer au trail des roches. Si la Légende du Graoully avait fait office de mise en bouche il y a quelques semaines, les choses sérieuses ont réellement commencé ce dimanche : 55 kilomètres, 2700 mètres de D+ annoncés, il y avait de quoi casser de la fibre. N'ayant en tête depuis quelques temps que la Maxi Race et ses 83 kilomètres, j'avais un peu oublié que j'étais inscrit au trail des roches, ou du moins je minimisais quelque peu l'importance et la difficulté de l'épreuve. Pourtant, à moins de 30 jours de mon baptême du feu alpin, il était impératif de rester concentré sur la préparation, hors de question de trop se fatiguer, ou pire, de se blesser. A ce titre, pas d'objectif de temps, ni de résultats, juste profiter des kilomètres et de la pente, tranquillement. Un peu grisant et frustrant lorsqu'on est compétiteur dans l'âme, mais chaque chose en son temps.
C'est avec le club de Bouzonville que j'effectuais le déplacement, une dizaine de membres étant également engagés sur la course. Avant même d'y être, je savais que l'ambiance allait être top et qu'on allait se marrer, je ne me suis clairement pas trompé. Histoire de gagner du temps le jour de la course, nous louons un hôtel à quelques pas du départ. Pas franchement bénéfique, la nuit avant la course est des plus mouvementées : je dors dans la même chambre que deux bûcherons, les déménageurs vosgiens, ces bêtes de travail, opérant à 3h du matin pour charger leurs camions, le tout allié à des murs de BA13 assurément amincis. Au moins je suis au courant que mon voisin de chambre attendra son collègue le lendemain matin pour prendre son petit déjeuner...
Réveil 4h45 le jour de la course pour un départ à 6h. Préparation des sacs en vitesse avant de quitter l'hôtel et de rejoindre la ligne de départ. Il fait encore sombre, le soleil commence à peine à se refléter dans la Meurthe, il fait 6°.
Avant le départ, on se réchauffe dans la salle qui fera plus tard office de ravitaillement et de zone de passage de relais pour ceux qui auront, raisonnablement, préféré courir les 55 kilomètres à deux. On se retrouve avec les membres du club, certains appréhendent un peu, mais la bonne ambiance du groupe prend rapidement le dessus. Personnellement, je ne dirais pas non à quelques heures de sommeil en plus, mais pas le temps d'y penser, il faut rejoindre l'arche de départ, c'est l'heure. La star locale, l'ambassadeur du trail vosgien, le barbu le plus connu du trail lorrain, aka Stéphane Brogniart nous briefe, non sans humour, sur la course avant de donner le départ. 6h tapantes, c'est parti pour quelques heures de renforcement musculaire. Pour ce début de course je reste avec le groupe, pour le moment relativement compact, tout le monde est encore là. Rapidement, lorsque la trace s'engage dans la forêt, je me retrouve seul avec Loïc. Une bonne partie de ce début de course se fera à deux. L'allure est modérée, et de toute manière, étant donné que nous ne nous étions pas placés au départ, il est difficile d'aller plus vite que le rythme imposé par le peloton. De temps à autre quelques personnes sont doublées, et rapidement nous accédons au sommet des roches Saint-Martin, séparées par une passerelle, je constate une certaine ressemblance avec le logo de la course.
Alors que le soleil se lève, quelques fenêtres s'ouvrent pour nous laisser contempler les premiers rayons qui, au loin, font leur apparition. Le temps est au beau fixe et après quelques kilomètres de course, nous établissons avec Loïc un listing des conditions météorologiques parfaites auxquelles ce trail des roches répond, pour le moment, totalement : il ne fait pas trop chaud, il ne fait pas trop froid, il ne pleut pas, il ne vente pas, il ne neige pas, le soleil brille, le sol n'est pas glissant, il n'est pas boueux non plus, enfin bref, en cas de défaillance, il faudra trouver une autre excuse que celle des mauvaises conditions de course. Le plan des opérations est également établi, il faudra en garder sous la semelle jusqu'au troisième ravito, autrement dit la mi-course, et si du jus il en reste, c'est dans la tout aussi mythique, que terrible montée des schlitteurs qu'il faudra augmenter la cadence.
A un peu moins de 10 kilomètres de course, Loïc me dit de partir, constatant que je suis bien frais, et qu'en restant avec lui, c'est un faux rythme que j'allais lui imprimer. Ne sachant pas si j'allais le revoir de la course, une poignée de mains amicale et d'encouragement est échangée. A ce moment je me dis que je vais devoir être d'autant plus vigilant, convenablement m'économiser pour ne pas subir en fin de parcours, tâche plus difficile puisque je n'ai plus de compagnon de route pourvu d'une montre GPS. Parce que oui, je cours sans montre GPS, je fais partie de ces rares traileurs qui courent encore à l'instinct, à l'écoute de mon corps, je suis attentif au moindre indice révélateur d'une hausse de mon rythme cardiaque, celui dont le techno-traileur ne se préoccupe pas, le bip de sa montre étant toujours là pour le ramener à la raison. Les distances sont également calculées sans besoin de la technologie, espacement des arbres, repères sont tout autant d'indicateurs des kilomètres qui passent... En fait, c'était juste quelques paroles d'enfumage pour justifier le fait que lorsqu'on a 22 ans et qu'on est étudiant, on croit encore qu'il est plus judicieux "d'investir" dans une centaine de pintes à 3 euros 50 en happy hour plutôt que d'acheter un outil des plus utiles.
En réalité, l'échappée en solitaire ne durera que peu de temps, Loïc étant resté quelques dizaines de mettre derrière moi seulement, il m'annonce que dans ce single qui nous mène tout droit au premier ravitaillement deux avions de chasse fondent sur moi. Ces avions de chasse, ce sont Angelo et Roberto, deux incontestables stars du club Bouzonvillois. Je suis quand même content d'être rejoint, la course est moins monotone, tout le monde s'attend aux ravitaillements et c'est tant mieux, j'en garde sous la semelle. Je cours en prépa d'une course future, il faut se ménager, mais quand les sentiers se font joueurs, mes vieux démons semblent me rattraper.
Durant cette première moitié de course, jusqu'au 26eme kilomètre donc, les groupes se font et se défont, on discute entre nous, on mise des billets imaginaires sur le challenger qui a bien fait de ne boire qu'un Perrier rondelle la veille. Espacés de quelques dizaines de mètres parfois, on continue à se balancer quelques vannes, les descentes en lacets permettant de rester relativement proches les uns des autres. C'est dans ces lacets d'ailleurs que je suis agréablement surpris par la composition du sol, un espèce de terreau offrant un amorti des plus doux. Lorsque la vue se dégage, je prends le temps de m'arrêter et de faire quelques photos, le plus souvent et sans prévenir, une faune qui ne semble pas être des plus locales, mais toutefois très sauvage, s'invite sur les clichés. Je ne prends pas la course au sérieux, mais le temps passe plus vite et je rigole bien.
Je croise également Jeanne, avec qui je discute quelques kilomètres avant d'arriver à mi-course. Je prends toujours le temps de l'attendre en haut des quelques raidillons qui se dressent devant nous, en profite pour faire encore des photos. Le Kemberg nous laisse par moment profiter de beaux points de vue, les crêtes Vosgiennes se profilant à l'horizon. Un rare supporter prend la peine de m'indiquer la position du Hohneck au loin. La vue est imprenable, le ciel est azur, cette course est pour le moment des plus parfaites.
Les quelques kilomètres avant le troisième ravitaillement se font toujours dans la bonne humeur, les jambes commencent à se faire légèrement lourdes, mais la forme reste au rendez-vous. Le passage dans Saint-Dié fait du bien au moral, quelques supporters sont là et ne manquent pas de nous encourager. Arrivés dans la salle de ravitaillement, monsieur Brogniart en personne s'occupe d'indiquer la direction à suivre. Je lui sers la main en lui demandant si nous jouons le podium, il me répond d'un fébrile "presque", bien que le doute s'installe, je crois encore en mes jambes et garde en tête le plan des opérations préalablement établi, bientôt il faudra passer à l'action.
Après avoir passé une bonne dizaine de minutes à refaire le plein, nous repartons à trois. Encore une fois en compagnie de Loïc, qui me dit que désormais il ne sera plus question de s'attendre ni de se retourner, chacun devant se consacrer à sa course. En effet, la pente s'accentue doucement à la sortie du village vosgien avant de littéralement décoller une fois en forêt. Une pancarte indique qu'il s'agit du sentier des schlitteurs. C'est l'heure, l'heure de porter l'attaque, celle qu'on attendait depuis le début de la journée, l'élément déclencheur de la folle remontada que j'allais entreprendre. Si la première moitié de course était placée sous le signe de la franche rigolade, pour je ne sais quelle raison, cette seconde moitié entre dans un tout autre registre. Je me concentre, et travaille, prends garde à la trace empruntée, au placement des pieds, à la respiration, rien n'est laissé au hasard. En l'espace de 20 minutes, je passe d'un moment de déconnade, à faire croire à un passant que le trio composé de Loïc, Marcel et moi forme le podium de ce 55 kilomètres, à un moment d'intense application et de sérieux. Je me sens vraiment bien et je double à tour de jambes, je ne compte plus mais en l'espace de 3 kilomètres, et 500m de D+ je passe des dizaines et des dizaines de personnes, allant jusqu'à entendre un "laisse le partir, il court en relais celui là...". Une fois au sommet, je relance encore, avant d'attaquer une descente assez technique, le genre de descente qu'on met plus de temps à dévaler qu'à grimper, et de ce genre, elle n'est pas la première du jour.
Une fois la difficulté du jour passée, le profil s'adoucit légèrement. Je n'oublie toutefois pas qu'il faudra quand même en finir avec la montée jusqu'à la roche des fées. Les raidillons se font plus rares, mais la fatigue accumulée ne les rend pas pour autant moins intenses à gravir, et sans prévenir, le tracé nous offre de temps à autre quelques brognardises dont on se passerait bien. Dans le registre de la brognardise, mes jambes se souviennent encore de ce mur, incontestablement la pente la plus abrupte de la journée, courte, mais très raide.
Après un rapide passage par le ravitaillement du 38eme kilomètre, je me remets en route et tente de maintenir pour en finir, à ce moment de la course je commence à en avoir un peu marre, les quelques grosses difficultés de la journée m'ayant relativement entamé. Je profite des monotraces que l'on ne peut que qualifier de magnifiques. Les sentiers empruntés serpentent entre les roches de grès rose, laissant apparaitre une caverne ici, ou une forme insolite là. Un contrôle des puces est effectué aux alentours du 40eme kilomètres, on m'annonce qu'il me reste 11 km à parcourir, j'ai quelques doutes et me dis qu'il doit certainement en rester plus. Après coup, en étudiant le tableau des temps de passage, je constate qu'entre la mi-course, autrement dit le troisième ravitaillement (26eme Km) et le présent pointage, j'ai gagné pas moins de 123 places ! Passant de la 250 eme à la 127 eme, il n'y a pas à dire, l'attaque préconisée par le directeur sportif du jour a été dévastatrice.
Rallier le dernier ravitaillement aura quand même été fastidieux, le bon kilomètre qui le précède se fait sur un faux plat montant et sur le bitume, les panneaux annonciateurs du proche ravitaillement sont trompeurs, car ce dernier tarde à arriver. Quelques passants qui en viennent justement m'annoncent tous les 250m qu'il reste 250m avant d'y arriver... Le moral en prend un coup mais il faut serrer les dents, la course n'est plus très longue. Je prends le temps de bien me restaurer car la faim se fait légèrement sentir et j'ai cru comprendre que la dernière difficulté de la journée était encore à venir.
On traine un peu la patte pour repartir, mais la machine se met à nouveau en route, il doit rester pas plus de 3 kilomètres et un peu moins de 300m de D+ pour atteindre le sommet de la dernière côte du jour. L'ascension se fait à coup de bâtons et au mental, car même si je ne suis pas carbonisé, le cerveau lui sait que la course arrive à son terme, et souhaiterait bien en finir le plus rapidement possible. J'apercois encore une fois un rocher remarquable, dernier point culminant de la course, ça y est, pour moi la course est terminée, le plus difficile a été fait, il ne reste plus qu'à descendre jusque dans le village et j'en terminerai officiellement. Je prends une dernière fois le temps d'immortaliser l'instant avant de m'attaquer à la descente. Je marche en voyant qu'un coureur du 19 kilomètres n'avance pas avec la plus grande des assurances et des maitrises. Alors que j'attends toujours qu'un espace s'ouvre pour pouvoir doubler en sécurité, un impératif et assuré "bougez devant !" arrive à mes oreilles. Mes lèvres se pincent et je soupire des plus profondément. A 3 kilomètres de l'arrivée, alors que plus rien ne se joue, plus rien n'est à prouver, je crois qu'un arrogant souhaite faire parler les crampons. Qu'à cela ne tienne, nous avons tous les deux dépassé l'entamé coureur du 19 kilomètres. Plutôt énervé, je me laisse aller dans ce dernier single des plus agréables, il est tout tracé, aucune pierre, ni aucun rocher ne sont là pour dévier ma trajectoire ou ralentir la dévalade. Une fois sorti de la forêt, et entré dans le village, je jette un coup d'oeil derrière moi pour constater que plus personne ne me suit, comme quoi, la politesse et la courtoisie ça s'apprend également à coups de D-...
Le soleil brille, aucun nuage ne vient gâcher la fête, les quelques centaines de metres empruntés sur le macadam pour rallier la tour de la Liberté ne se font même plus sentir, le public est présent, massé à chaque coin de rue. On m'annonce qu'il reste 500 mètres, dernier virage à gauche, je reconnais la moderne architecture de la tour de la Liberté qui se dessine derrière l'arche d'arrivée, un petit escalier vient me rappeler que mes muscles ont intensément travaillé pendant ces quelques 55 kilomètres, je passe l'arche, je suis finisher de ce trail des roches.
Pour conclure, je dirais que je suis relativement content de la course effectuée, la gestion a été bonne, je n'ai pas réellement tenu l'engagement initial étant donné que j'ai quand même rythmé ma seconde partie de course, mais j'ai pris énormément de plaisir et je crois que c'est ce qu'il faut retenir au final. Je termine 113 / 500 partants, 7h22 de course, bonne préparation pour la Maxi Race à venir.
Concernant la course en elle même, je n'ai absolument rien à redire, le parcours était plus que magnifique, sans réelles difficultés techniques, il a tout de même été exigeant de par le denivelé offert. Ludique à souhait, l'alternance entre parties roulantes permettant la relance et sympathiques raidillons étant des plus appréciables. Les organisateurs de la course ont su prouver que les Vosges remplissent, encore une fois, toutes les conditions nécessaires pour en faire une vraie terre de trail, en un mot : merci.
ps : Merci Loïc, le plan des opérations était ce jour là le bon ;)
Bravo pour ton reportage , top
RépondreSupprimerQuel plaisir de revivre la course au rythme de tes mots ... en accéléré à partir de la deuxième boucle où tu t'es littéralement envolé!
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