"Taisons nous, taisons nous, voilà le Graoully qui passe !" : la légende aura donné son nom à une rue de Metz tout aussi connue des gourmands pour ses pâtisseries meringuées, que des fêtards pour ses rhums arrangés. Quelques centaines d'années plus tard, c'est à un trail qu'elle donnera son nom : la légende du Graoully, c'était ce week-end à Woippy et croyez moi, mes jambes et moi on s'en souvient encore, retour sur cette belle course en quelques lignes !
Deuxième édition donc pour la légende du Graoully et sa jeune équipe organisatrice. J'avais pris part au 16km l'année dernière, par un temps des plus mauvais, pluie diluvienne, torrents de boue, en un mot : l'horreur ! Fort heureusement, cette année la météo a été des plus clémentes, les températures des plus douces. Changement également au niveau des tracés, un 12, un 21 et un 35 viennent remplacer le 16 et le 32 de l'année passée. L'édition précédente ayant été bien organisée pour une première, impossible de la manquer cette année. Et puis, le St Quentin, terre de mes entrainements, celui qui entend chacun des mes jurons quand sa pente se fait toujours plus raide, celui qui sait se taire quand je gratte une série de 5 x 200, c'est un peu comme un bon ami, hors de question de rater une course dont il en est la star.
En revanche, cette année, fini de rigoler, on passe aux choses sérieuses : inscription sur le 35 ! J'avais eu la chance de reconnaitre le parcours il y a quelques temps, je savais un peu à quelle sauce nous allions être mangés. Je trouvais le parcours déjà top, mais la pluie était de la partie, autant vous dire qu'il était encore plus agréable de l'emprunter avec ce magnifique temps.
Cette fois, pas besoin de prévoir 2h de route, 15 minutes top chrono en partant de chez moi, un avantage de plus. J'arrive sur les lieux aux alentours de 7h20 pour un départ à 8h, le temps de dire bonjour aux quelques personnes que je connais et il est déjà temps de rejoindre l'arche de départ. Je tombe sur les stars du Bouzonville AC (qui se reconnaitront), ça vanne, ça rigole, ça pronostique, et je les mets en garde en leur disant que ça va grimper sévère, presque 1300 d+ autour de Metz, effectivement ça cause ! Au final ça vanne tellement que l'attente du départ semble ne durer que quelques secondes. Alexandre, le speaker infatigable donne les dernières consignes, le compte à rebours, Thunderstruck de AC/DC au taquet et goooo! Je n'ai pas pris la peine de bien me placer, je suis en milieu de peloton lorsque je passe sous l'arche de départ.
J'essaye de doubler comme je peux lorsqu'on effectue le premier tour de stade, foule en délire comme à chaque départ, tout le monde est chaud, à ce moment je crois que porté par la foule, tout le monde se dit "boarf, 35km ? 1300 d+ ? qu'est ce que c'est au final ...". J'ai le temps de voir Michel de l'orga en train de filmer, je lui tape dans la main et c'est parti !
Photo : Jean Michel Franck
La trace nous fait sortir du stade et nous fait emprunter un peu de bitume, le tout sur quelques centaines de mètres. Mise en jambes qui me convient bien, je double quelques personnes et j'ai même le temps d'entendre un " aaaah si le parcours reste comme ça, ça me fera une sortie de récup", ce qui ne manque pas de me faire sourire, quand je sais que quelques kilomètres plus loin, les choses allaient se corser légèrement.
Je trouve mon rythme de croisière, et à la sortie de Lorry, sans le savoir, je double la dernière personne avant un long moment. Remontée d'un petit chemin entre deux jardins, on pique à gauche, ça descend tranquillement et les choses sérieuses commencent. On entre en forêt et c'est parti pour un tour de montagnes russes, on alterne à coups de raidillons de 50d+ histoire de se chauffer les cuisses. Passage obligé non loin d'un des forts de la ligne de fortifications messine, passage par le Col de Lessy où deux orga m'indiquent le chemin à suivre. Je cours seul, personne devant, personne derrière, ça en est presque perturbant, mais on s'y fait vite et j'ai presque envie de dire qu'on apprécie plus la course ainsi ! En fait, on a juste l'impression de traquer le Graoully !
Une fois le Col de Lessy derrière moi, la trace nous fait passer par des sentiers que j'emprunte souvent, mais qui me procure toujours autant de plaisir. Le parcours a été minutieusement choisi, le St Quentin étant une fourmilière, le choix de monotraces est énorme, mais là, on retrouve juste une compilation de ce qu'il y a de mieux ! Une fois sur le plateau, et juste avant de redescendre, j'aperçois un drone, le temps de faire le beau dans la descente (ou essayer ...), quitte à se mettre une crampe ou un point de coté, virage à angle droit à droite en bas de la pente et ça continue, monotrace au top encore !
Premier supporter qui semble encore dormir dans la montée juste avant le premier ravitaillement, mais assez réveillé tout de même pour m'indiquer le chemin, traversée d'un champ avant de découvrir une magnifique vue sur l'agglo. Je m'arrête le temps de boire un verre de coca et c'est tout, vu que la course se déroule pas trop mal, je décide de ne pas m'attarder. Je vois qu'un groupe de trois coureurs me rattrape. En repartant je croise furtivement Charles de l'orga qui m'encourage un coup avant de continuer la course.
Photo : La Légende du Graoully
Pris en chasse par trois fous furieux, la course devient légèrement plus stressante, je garde le même rythme et ne souhaite pas m'imposer une cadence qui n'est pas la mienne au risque de le payer plus tard. Le chemin emprunté nous fait passer près du lieu d'organisation des crapauds, après avoir résisté quelques km depuis le ravitaillement, je me fais doubler sur un replat. Une fois à nouveau en forêt, je me fais doubler une seconde fois dans les bosses, aux alentours du 20eme km. Même si ma course se passe bien, j'ai l'impression d'exploser et me dit que c'est cuit, la course en solitaire ne durera plus longtemps...
Finalement, après quelques kilomètres de belles monotraces, de successions de belles cotes, personne ne me rattrape, je me dis alors que les deux coureurs qui m'ont passé avaient la patate et que mine de rien je fais une belle course. Personne, sauf un type, avec qui on ne cesse de se doubler, je le reprends dans les montées, mais il revient sur moi dans les descentes et sur le plat. On commence à causer tranquillement, il me dit qu'il était 3eme mais qu'il s'est trompé de chemin, dommage pour lui. D'autant plus dommage que j'ai l'impression qu'il accuse le coup, allant jusqu'à prendre une bonne gamelle dans une descente, je l'attends et lui indique les prochaines difficultés...
Difficultés qui ne se font pas attendre, 23eme kilomètre : le mur. Celui qui avait hanté mes nuits depuis une semaine, le redouté mur que j'avais pu tester quelques semaines auparavant. Ça grimpe très fort, mais j'ai l'impression que c'est relativement court, j'arrive au niveau de la route et me dit que c'en est fini. Mais non ! Poursuite des réjouissances quelques dizaines de mètres encore, j'aperçois un chemin et me dit que c'est fini. Mais nooon ! Troisième portion du mur, et cette fois, pour l'attaquer, il faut mettre les mains pour escalader quelques mètres. Voilà, 1km, 100d+, paisiblement, mine de rien, là où on ne l'attendait pas. Au final j'avais mes bâtons pour me filer un coup de main. Parce oui, j'avais pris mes bâtons : absolument pas indispensable, mais histoire de reprendre l'habitude de les utiliser avant les grosses échéances à venir.
Une fois le mur passé, on retrouve un large chemin qui nous fait sortir de la forêt, bien exposé et à traverser un champ sur près d'un kilomètre, le soleil commence à cogner, les flasques sont à sec et j'attends avec impatience le deuxième ravitaillement. La jonction s'opère avec le ou les, autres circuits, à vrai dire je ne sais pas si le 12 reprend plus tard, mais ce qui est sûr c'est que nous faisons maintenant route commune avec le 21km. Du coup on reprend l'autoroute, il y a du monde, ça fait quand même du bien au moral après 25 km de course.
Le ravitaillement tarde à venir, la chaleur y est pour quelque chose, mais après la descente qui va bien, les arbres laissent petit à petit entrevoir les tentes des bénévoles. Cette fois je prends le temps, je me dis que de toute manière, tout le monde doit être cuit, rien ne sert de partir en cinquième vitesse, au risque de mal se restaurer et le payer dans les derniers kilomètres. Orange, sirop, je remplis mes flasques et c'est reparti, il n'y a plus grand chose à parcourir et la cote de Saulny saura avoir raison des derniers téméraires.
A partir de là je cours à nouveau avec celui qui aux premières minutes de la course venait compléter le podium, on discute encore une fois tranquillement, il y a maintenant beaucoup de monde puisque la fin de parcours est commune aux trois courses. On croise les P'tits Potos qu'on ne manque pas d'encourager, car du courage il en faut aussi pour emprunter les parcours exigeants de nos trails avec leur joelette, mais au final quand c'est pour la bonne cause, chacun sait trouver les ressources jusque là insoupçonnées.
Arrivée au pied de la cote de Saulny, dans les vignes. Content de la voir arriver car une fois sur le plateau, il en sera terminé des difficultés. Je me rends compte que mon compagnon de galère n'a plus d'eau, et il me dit que cela fait quelques temps déjà, je partage le restant de ma flasque avec lui, à croire que c'est ce qui lui manquait car après ça, il repartira comme une balle, on ne se retrouvera qu'à l'arrivée. Ça tire dans les mollets et dans les cuisses, mais étant donné que le débit est réduit dans ce chemin où on ne peut doubler, tout le monde marche à très faible allure, et on va pas s'en plaindre ! Une fois sur le plateau, quelques supporters sont là pour nous encourager, on m'annonce que pour le 35, on se situe dans le top 15, j'ai du mal à y croire mais tant mieux si c'est vrai ! Plusieurs cors des Alpes sont là pour nous accueillir, passage obligatoire par le portique du Graoully l'instant d'une photo et on attaque les 3 derniers kilomètres.
Dernière descente jusqu'au stade à 200%, Bougnas le reporter fou du Bouzonville AC (si si vous le connaissez, le type qui se déguise à chaque course) est là, c'est la fin, j'entends déjà Alexandre le speaker qui cite les noms des finishers plus vite que son ombre. Arrivée au top, du monde de partout, je regarde l'écran d'affichage des arrivées : 15eme, 3h19.
Le temps de récupérer mon t-shirt finisher, d'échanger quelques mots avec Jérôme et de le féliciter pour ce parcours au top.
Pour ma part, je réalise la course quasi-parfaite comme on voudrait en courir plus souvent, aucune douleur, aucun maux d'estomac ( à ce sujet, je vous invite à aller lire ou relire le récit de mon Circuit des grands crus...). Concernant la course, un parcours technique, exigeant et ludique à souhait, une organisation au top, si la légende messine se devait d'être perpétuée, elle l'a été de la plus belle des manières.
Salut, je suis tombé sur ton blog après les Roches.
RépondreSupprimerDu coup, j'ai lu tes autres articles, superbes!
J'étais aussi sur le Graoully.
"Je trouve mon rythme de croisière, et à la sortie de Lorry, sans le savoir, je double la dernière personne avant un long moment."
La dernière personne c'est moi! Je pense! Tu m'as passé et déplier tes bâtons.
Il y a même quelqu'un de l'orga qui nous a dit "à droite" à la place de "à gauche", ce qui nous a fait rigoler.
Je me trompe?
Bravo pour tes articles, je vais les suivre.
Kévin Baldauf
Salut Kévin,
Supprimersans aucun doute c'était toi, j'ai bien déplié les bâtons à ce moment là aha
En tout cas ton message me fait vraiment plaisir, ça donne envie de continuer d'écrire. En espérant te recroiser prochainement sur une course !
Pierre